N’ayez pas peur !
Mettre au monde un enfant c’est, finalement, le confier au monde. A nous, adultes, de faire en sorte que le monde soit digne de lui… C’est encore plus vrai quand l’enfant porte une malformation ou un handicap. Ceux qui ont la charge d’accompagner les parents ont une lourde responsabilité. De leur attitude dépendra en grande partie l’avenir de l’enfant et l’harmonie du foyer.
Depuis son très jeune âge et, maintenant de plus en plus souvent, depuis sa vie intra-utérine, l’enfant a entendu parler de lui non pas comme tous les enfants du monde, en évoquant son prénom, le nom de ses parents, mais avec des mots qu’il ne comprend sans doute pas complètement mais qu’il reconnaît à force de les entendre : « handicapé, autiste, psychotique, trisomique ». Il a vu ses parents pleurer, se révolter, se battre pour obtenir des choses pourtant évidentes comme une place à la crèche, à l’école, au centre de loisir. Il a vu ses frères et sœurs même plus jeunes que lui prendre leur indépendance, réussir et être félicités, conduire une voiture alors que, lui, doit se contenter d’un « petit travail » pour faire plaisir à Papa et Maman, d’être consolé par un « petit bisou » quand il a un « petit chagrin » alors qu’il s’agit bel et bien d’une souffrance d’adolescent, d’adulte. Pour ne pas le peiner, on le tient à l’écart des soucis familiaux (divorces, maladies, deuils). Ce faisant, on lui impose des situations où il va se sentir de trop et on lui demande de s’adapter du jour au lendemain à la situation nouvelle.
Que dire à ces parents devant ce petit enfant, leur enfant « pas comme les autres » ? Essentiellement, me semble-t-il : « N’ayez pas peur ! »
N’ayez pas peur de dire votre angoisse, votre révolte. N’ayez pas honte de pleurer. Dites-vous bien qu’aucun parent n’est mieux préparé que vous à être le Papa ou la Maman d’un enfant pas comme les autres. C’est lui qui vous apprendra au jour le jour comment il faut agir.
N’ayez pas peur de l’aimer, de l’adopter chaque matin quand il s’agit de commencer une nouvelle journée qui sera peut-être fort agitée… ou la répétition monotone de toutes les journées qui l’ont précédée.
N’ayez pas peur d’être heureux avec votre enfant, de le dire, de le manifester, de partager avec lui la joie de ses découvertes, de ses progrès. Laissez-le vivre sa vie d’enfant en oubliant alors tous les bons conseils et les techniques de rééducation que l’on vous a conseillés. Laissez-le faire ses expériences ; laissez-le découvrir le monde à sa manière et redécouvrez-le avec lui. Croyez en lui, en ses capacités de progrès mais, aussi, en ses capacités d’amour. Aimez-le et laissez-vous aimer par lui !