Autonomie
Si l’on reprend les définitions usuelles, l’autonomie est “l’ensemble des habiletés permettant à une personne de s’administrer et de subvenir à ses besoins par ses propres moyens” mais c’est aussi “devenir capable de se conduire en tenant compte des règles fixées par l’environnement social”.
L’autonomie, pour faire quoi ?
Tout enfant, à sa mesure et à son rythme, peut acquérir des habiletés lui permettant d’être autonome. Ses parents ont souvent tendance à les sous-estimer et il n’est pas rare que nous entendions des réflexions telles que “Pourquoi l’embêter avec ça ? Je peux le faire à sa place” ou bien “Il ne peut pas…”
Un séjour en-dehors du milieu familial, l’intégration en milieu scolaire ou en IME (Institut Médico-Educatif) permettent souvent de faire des acquisitions jugées jusque-là “impossibles” !
Les apprentissages de la marche, de la propreté et du langage sont souvent décalés chez nos patients. Rares sont ceux qui ne peuvent réellement pas y arriver : il faut juste savoir leur donner du temps et insister patiemment pour les faire progresser, en particulier dans les gestes courants que sont l’habillage, la toilette, l’alimentation ou la propreté. Avec quelle joie et quelle fierté ils pourront ensuite se débrouiller seuls !
Le langage, verbal ou non, est une autre acquisition majeure. Il permet à une personne d’émettre des souhaits, des désirs, des refus. La mise en place d’un système de communication orale ou gestuelle est importante, quel que soit le niveau de l’enfant, pour l’aider à s’exprimer. L’enfant qui ne parle pas est par ailleurs souvent plus assisté au quotidien, traité comme un “bébé”, alors que ses capacités de compréhension sont souvent bien plus grandes que ce que pense son entourage !
Enfin, le respect des règles de vie et la politesse sont également indispensables à l’intégration sociale et doivent être enseignées, comme pour les autres enfants, dès la petite enfance.
Ce long cheminement a pour but de préparer doucement l’enfant à l’âge adulte. Il se construira en tant qu’individu fier de lui, et non en tant qu’ “enfant différent et dépendant”.
Il sera alors prêt, comme tout enfant, à accepter la vie loin des parents et de la fratrie.
Les médecins et les paramédicaux sont là pour aider les parents à évaluer les capacités de leur enfant, à fixer des buts progressifs et raisonnables et éventuellement à conseiller des méthodes de compensation (Makaton, ergothérapie…) pour pallier les difficultés physiques.
Chers parents, votre enfant « pas comme les autres » est devenu adulte… Vous avez encore, gravés dans votre cœur, les mots que vous avez entendus lors de la découverte du handicap. Depuis, toute votre vie et celle de la famille a basculé. Tout ce qui avait été prévu a été remis en question et lorsque vous vous retrouvez seul à seul, vous ne pouvez pas vous empêcher de parler de lui. Vous cherchez inlassablement comment répondre à ses souhaits, même s’ils ne sont pas exprimés par des mots. Et le voilà, tout d’un coup, devant vous, manifestant son désir d’autonomie ! Venant de votre enfant handicapé à qui vous avez consacré le meilleur de vous, cela est souvent difficile à entendre.
L’idéal, pour lui comme pour vous, est que le départ de la maison se fasse progressivement. Ceci est souvent difficile à réaliser en raison des difficultés administratives mais on doit pouvoir l’obtenir.
Quand votre enfant – car il reste votre enfant même s’il est adulte – retourne à la maison, il doit retrouver sa chambre telle qu’il l’a laissée, même en désordre !
Quand j’ai vu votre enfant pour la première fois, je vous ai sans doute donné ce conseil : « Aimez-le de telle sorte qu’il soit heureux en-dehors de votre présence ». Aujourd’hui, j’ai envie de vous dire : « Montrez-lui que vous êtes heureux même en-dehors de sa présence. » Votre maison, votre appartement reste sa maison même quand il est dans son foyer. N’hésitez pas à lui dire que vous partez en voyage et que vous êtes heureux. Il faudra lui écrire souvent. Il n’est pas nécessaire de savoir lire pour reconnaître la lettre de Papa ou de Maman.
Pour vous, parents, cette chambre vide est difficile à imaginer. Vous y avez passé tant d’heures dans le bonheur du bonjour du matin mais aussi dans l’inquiétude après une nuit agitée. Il va sans doute être nécessaire de réapprendre à parler de tout et de rien, de faire des projets indépendants de lui, de penser davantage à vos autres enfants, à vos parents, à vous. Oui, il va vous falloir apprendre à vivre sans lui après tant d’années passées avec lui et pour lui. L’un d’entre vous m’a confié l’autre jour : « Lorsqu’elle était heureuse, nous étions heureux ».
Comme toujours, c’est sans doute lui qui vous donnera la clé pour vivre ce moment difficile. Faites-lui confiance !
Cette question est, sans doute, l’une des premières que les parents se posent lors de l’annonce du handicap de leur enfant.
Vingt ans, quarante ans plus tard, bien souvent le discours est tout autre : “J’ai peur de le laisser seul… Je ne l’ai jamais quitté… Il est incapable de se débrouiller tout seul. Le confier à un foyer de vie qui est parfait me dit-on mais qu’il ne connait pas… Il va perdre ses repères… On a tout fait pour lui apprendre à vivre normalement, comme tout le monde… Il va prendre de mauvaises manières avec les autres… Il n’a jamais vécu avec des handicapés… Et nous, qu’allons-nous devenir sans lui ?”
On a beau désirer que son enfant devenu adulte vole de ses propres ailes, il n’en est pas moins vrai que son départ de la maison reste une question écartée le plus longtemps possible, alors qu’il faut se la poser dès la petite enfance et dans sa globalité.
Deux obstacles majeurs, deux ennemis mortels sont à éviter à tout prix si l’on veut que cette première génération d’adultes handicapés ait une vie heureuse, une vie “qui vaut la peine d’être vécue, qui permet d’être fier de soi”. Ces deux écueils sont l’égoïsme et la solitude.
L’égoïsme. La hantise des parents est de ne pas en avoir fait assez pour leur enfant, de ne pas lui avoir donné toutes ses chances. Ces parents sont admirables mais là n’est peut-être pas l’essentiel.
“Permettez-lui d’être aimable, agréable à aimer et capable d’aimer”, c’est là l’essentiel. Cet enfant ne demande pas d’être entouré d’esclaves priés d’accepter tous ses caprices. Il demande d’être aimé pour lui-même avec ses qualités – et il en a –, avec sa personnalité – à nous de la découvrir et de la respecter.
La solitude ensuite. Votre enfant demande d’avoir des copains comme lui, des “alter ego” qui ont les mêmes difficultés que lui afin de pouvoir voir comment ils se débrouillent.
Le travail en ESAT ou en foyer est, pour la plupart, source de bonheur et de joies mais se retrouver seul, après le travail, dans son studio aménagé avec amour par les parents, peut être une épreuve difficile à surmonter pour certains. Les soirées sont longues si on est seul avec comme seule distraction une télévision que l’on écoute mais qui ne permet pas de réfléchir et de progresser ou une musique entendue cinquante fois. La tentation est alors grande de grignoter ou de se coucher dès la fin du dîner.
A l’encontre, une soirée au cours de laquelle un éducateur vient partager ce qu’il s’est passé de grave dans le monde permet de relativiser les petits accrochages de la journée. Chanter avec des copains avant d’aller dormir permet de retrouver la paix intérieure et de s’endormir calmement.