Vieillissement et Trisomie 21 - Institut Lejeune

Vieillissement

L’espérance de vie des personnes handicapées n’a plus rien à voir avec ce qu’elle était à la génération précédente et, en même temps, la qualité de leur vie s’est considérablement améliorée grâce à l’effort conjugué des professionnels, des parents et des associations. Il y a encore à faire pour améliorer la situation dans le domaine de la recherche fondamentale, biologique et thérapeutique, mais aussi psychiatrique, psychologique, pédagogique, sans oublier ce qui concerne le domaine culturel, sportif, artistique, spirituel. L’objectif est de consolider et de coordonner tout ce qui se fait de par le monde et de mettre en route des initiatives nouvelles. Tout cela suppose que l’on accepte de sortir des sentiers battus, que l’on fasse preuve d’imagination, que l’on n’ait pas peur d’innover et d’y croire. Nous sommes devant la première génération d’adultes trisomiques vieillissants. Ils portent, ils supportent leur handicap depuis des années avec un courage bouleversant… à nous de ne pas les décevoir !

Pour pouvoir répondre à cette question, on a tous beaucoup à apprendre, et donc à travailler, puisque nous vivons actuellement avec la première génération de personnes porteuses de trisomie 21 âgées de 60 à 70 ans.

On l’a vu, il n’y a pas d’âge pour commencer à vieillir. Il faut donc y penser dès l’éducation du petit enfant :

  • Lui permettre d’être aimé par les autres puisqu’un jour on ne sera plus à ses côtés… ce qui suppose qu’on l’aide à être aimable, agréable à aimer et capable d’aimer.
  • Lui permettre d’avoir des amis, des vrais, des alter ego, handicapés comme lui puisqu’il est appelé à vivre et à travailler avec d’autres handicapés.
  • Lui permettre d’être heureux en-dehors de la présence physique des parents puisqu’il est appelé à quitter la maison… comme les autres ! Ceci suppose que, dès la petite enfance, on n’ait pas peur de le confier à des amis, à un centre de vacances pour quelques jours… accepter, à l’avance, de ne pas être, pour toujours, la seule par qui arrive le bonheur, c’est peut-être cela le vrai amour maternel !
  • Lui permettre d’être fier de lui, de s’estimer tout en étant conscient de ses difficultés, ce qui suppose qu’on l’ait accompagné, en vérité et dans le respect de sa dignité d’homme, durant toute son enfance et son adolescence.
  • Lui permettre de prendre son envol parce qu’il est devenu un homme, une femme, un adulte tout en restant notre enfant. Le jour où il quitte la maison des parents… cette maison où il a grandi… moment redouté par tant de parents ! Ce passage, souvent difficile aussi bien pour l’enfant handicapé que pour ses parents, doit être préparé longtemps à l’avance. Il faut en parler en famille comme de quelque chose de naturel, de normal ; aller visiter le foyer, souvent et en famille, avant de proposer des séjours d’abord de courte durée puis, si tout se passe bien, pour des périodes plus longues.

Alors que, jusqu’alors, ce garçon handicapé que l’on considérait toujours un peu comme un enfant en raison de son exubérance, allait bien et s’adaptait sans trop de difficultés aux divers modes de vie qu’on lui proposait avec des périodes de travail, des moments de vacances, la vie de tous les jours à la maison ; alors que sa joie de vivre, reconnue par tous, apaisait les inquiétudes des parents qui pouvaient ainsi refouler au fond de leur cœur les craintes quant à l’avenir, cet après eux tellement lancinant… Voilà que, tout d’un coup, on se surprend à penser « mais, ce n’est pas possible, il fait plus vieux que moi ! »

Si le vieillissement des personnes porteuses de trisomie 21 se manifeste souvent plus tôt que dans la population générale et peut prendre des aspects spécifiques en fonction de la cause du handicap, il n’est pas forcément pathologique et la majorité d’entre elles manifestera, en fin de compte, les mêmes « symptômes » de l’âge que ceux observés dans l’ensemble de la population. Leur espérance de vie s’approchera de celle de la population générale et leurs problèmes de santé seront similaires.

La présence d’une déficience intellectuelle peut toutefois rendre délicate la reconnaissance de la pathologie et l’accompagnement de la personne.

Bien souvent, la douleur physique n’est pas reconnue car elle n’est pas exprimée par des mots et se traduit par des troubles du comportement qui orientent plus vers le psychiatre que vers le médecin ou le chirurgien qui a bien du mal à la localiser… C’est le cas, entre autre, de l’usure articulaire, des séquelles de traumatismes passés inaperçus, surtout chez les épileptiques (fracture de la mâchoire) et chez les porteurs d’appareils orthopédiques ; c’est le cas aussi des déformations des genoux et des pieds, des lésions des ongles, des callosités des plantes de pieds. Le refus de la marche est, alors, considéré comme de la paresse, avec toute l’humiliation que cela entraîne, alors qu’il est, simplement, l’expression d’une douleur qui peut être diminuée grâce à l’intervention d’un rhumatologue et d’un pédicure mais, aussi et bien souvent, par un régime alimentaire équilibré car le surpoids aggrave considérablement la situation et épuise l’organisme.

Chez tous, le ralentissement, le rabâchage, les troubles de la mémoire, les tics, l’accentuation des rituels sont des signes qui inquiètent aussi bien les familles que les professionnels. C’est alors que l’on parle de démence, de maladie d’Alzheimer…

Toute détérioration progressive chez un individu doit être comparée à son niveau de fonctionnement avant l’apparition des signes inquiétants. Ceci est valable pour tout le monde mais, particulièrement, pour les personnes présentant une déficience intellectuelle. La difficulté de ce retour en arrière constitue l’une des raisons pour laquelle l’identification de démence dans cette population pose tant de problèmes.

On ne doit pas poser un diagnostic de démence sur la seule baisse des capacités cognitives ou fonctionnelles. Un tel diagnostic est grave compte tenu de son pronostic. C’est l’analyse du changement de comportement qui est la clé du diagnostic, changement dont la personne affectée est, en général, totalement inconsciente. Ce n’est pas le sujet lui-même qui se plaint de ses troubles mais, beaucoup plus souvent, son entourage qui constate des conduites bizarres :

  • Perte de la mémoire récente, qui chez les personnes handicapées mentales est parfois difficile à mettre en évidence. « Elle qui aimait tant aller à la piscine, elle y est allée hier et ne s’en souvient plus ». Il semble s’agir, en fait, d’une impossibilité de fixer l’attention, d’où la perte de la mémorisation.
  • Troubles de l’orientation dans le temps et dans l’espace : la personne se perd dans la maison, ne retrouve plus les toilettes, se lève la nuit et s’habille, etc.
  • Perte des automatismes : elle ne sait plus se coiffer, s’habiller ; reste devant son assiette et attend… L’incontinence s’installe alors que la propreté était acquise depuis longtemps.
  • Changement d’humeur : la personne semble indifférente, la mimique inexpressive, les gestes très lents. Elle peut pleurer, se mettre aussitôt en colère puis rire immédiatement après.

Ces personnes malades (car il s’agit bien d’une maladie qui se surajoute au handicap mental) dorment de plus en plus et deviennent totalement dépendantes. La seule façon d’établir une communication est parfois le contact physique direct et affectueux.

Question lancinante pour beaucoup de familles et d’associations de parents actuellement.

Pour eux comme pour nous, quand nous serons vieux, toute rupture avec les habitudes, tout changement de domicile, de mode de vie, sont néfastes et risquent de provoquer une rupture d’équilibre, avec toutes les conséquences que cela implique.

L’idéal est, nous l’avons dit, que ces passages, prévisibles, attendus, vers le troisième puis vers le quatrième âge, aient été préparés de longue date. C’est possible, grâce à une réflexion faite en famille, avec les associations et avec les professionnels.

Il y a encore des personnes handicapées mentales qui ont la quarantaine et qui n’ont jamais quitté le domicile de leurs parents parce que, lorsqu’elles étaient jeunes, les structures d’accueil n’existaient pas ou qu’il n’y avait pas de place… Les parents sont toujours là mais très âgés. Ils ne veulent pas aller en maison de repos ou spécialisée car leur enfant n’y serait pas admis, n’ayant pas l’âge requis. Si on les sépare, ils vont disparaître très vite, chacun de son côté… C’est pourquoi il faudrait déployer des lieux de vie où seraient accueillis jusqu’à leur décès les parents et leur enfant handicapé mental.

Les autres, ceux qui ont vécu en foyer d’ESAT, risquent, à cause d’une limite d’âge fixée arbitrairement, d’être chassés d’une structure d’accueil où ils avaient trouvé une vie personnelle et collective satisfaisante.

La mise à la retraite est un moment difficile à vivre pour tout le monde. Elle est normale à un certain âge et doit être préparée… cela fait partie de la vie, des passages que l’on a à franchir. Un nouveau type d’activité doit être proposé à l’intéressé et organisé avec lui mais la grosse question reste le lieu de vie : faut-il garder les résidents handicapés vieillissants dans les institutions où ils se trouvent avec des plus jeunes ? Ne risque-t-on pas, alors, de transformer le foyer de vie en maison de retraite pour tous ? Faut-il transférer les sujets âgés dans une autre structure adaptée à leur condition ?

Il est urgent de s’atteler à ces questions mais je sais que toutes les associations de parents, et plus particulièrement l’UNAPEI, s’y emploient. Ainsi, grâce à ce travail, les parents pourront, au soir de leur vie, avoir le sentiment d’avoir fait dans tous les domaines ce qui était de leur pouvoir pour assurer le bien-être de leur enfant tout au long de sa vie.

EN SAVOIR PLUS

Découvrez Bien vieillir avec une trisomie 21, le premier guide médical français sur le vieillissement des personnes porteuses de trisomie 21. 

Publié sous la direction du Docteur Anne-Sophie Rebillat, gériatre à l’Institut Jérôme Lejeune, Bien vieillir avec une trisomie 21 est une adaptation française du guide américain Aging and Down syndrome, publié en 2013 aux États-Unis par la National Down Syndrome Society.

Les objectifs du guide sont les suivants :

– Informer, sensibiliser et soutenir les familles et les aidants de personnes âgées porteuses de trisomie 21 ;

– Préparer les familles et les aidants aux pathologies fréquemment rencontrées à l’âge adulte ;

– Fournir des informations précises aux familles et aux aidants, afin qu’ils puissent accompagner de façon adaptée et positive la personne adulte porteuse de trisomie 21, tout au long de sa vie ;

– Diffuser les bonnes pratiques médicales et éducatives.

Il est destiné à être utilisé par différents publics : familles, professionnels, proches aidants non professionnels ou toute personne concernée par la santé au sens large d’une personne âgée porteuse de trisomie 21.

Par cet abrégé de connaissances médicales, conseils pratiques et partage d’expériences, l’Institut Jérôme Lejeune contribue, aux côtés des proches aidants, à la création de conditions favorables pour une prise en charge optimale de la personne âgée porteuse de trisomie 21.